L'auteure, portant ce joli nom de Dupont-Monod, nous offre ici un roman magnifique et émouvant. Une famille des Cévennes françaises accueille un enfant handicapé – « un enfant inadapté », comme on dit. Le roman se compose simplement de trois chapitres et montre comment les autres enfants de la famille perçoivent ce frère malade dans leur vie : l'aîné se livre totalement à une relation intense et émotionnelle avec ce frère, tandis que la cadette s'en détourne. Leur attitude a également des conséquences sur leur vie future. « Il (l'aîné) n'a ni fiancée ni enfant. Cela, il le laisse à sa cadette. Elle aura trois filles qui envahiront la cour en criant, pendant les vacances, puisqu'elle habite désormais à l'étranger. Un pays, un mari, des enfants : loin d'ici, elle s'est offert une normalité. Elle a tenu à combler cette malédiction du décalage, tandis que lui en reste prisonnier. Mais peut-être, se dit-il, que c'est la leçon qu'elle a retenue en le regardant vivre, lui, l'aîné. Après tout, c'est son rôle, marcher en éclaireur. Montrer ce qu'il ne faut pas faire. » (p. 67). Puis, dans le troisième chapitre, un nouvel enfant arrive... Il sera le réconciliateur entre son frère aîné et sa sœur, qui se sont éloignés l'un de l’autre. Nous observons – ou plutôt, ce sont (un peu comme dans un conte de fées) les pierres qui observent et racontent ! – comment la situation devient complexe dans une telle famille. Il est aussi magnifique de voir comment cette belle histoire s'intègre dans la grande et sauvage nature des Cévennes.
Avec ce roman, Lemaitre ouvre une nouvelle trilogie qu’il appelle "Les années glorieuses". Alors que sa trilogie précédente, "Les enfants du désastre", se déroulait dans l’entre-deux-guerres, cette nouvelle série se situe dans la période d’après-guerre. Une fois de plus, nous avons droit à une chronique familiale dense. Ce qui est surprenant, c’est que Lemaitre relie magistralement et subtilement cette nouvelle série à sa trilogie précédente. Au centre du récit se trouve la guerre d’Indochine et, surtout, le rôle de la politique française dans ce conflit. Guerre, soif de sang, et oui, aussi des meurtres, mais également de l’amour : voilà les ingrédients de cette histoire, une fois encore écrite avec beauté et intensité. Cela reste bien sûr très narratif dans l’ensemble. Ce qui manque peut-être, c’est une touche de poésie, de fantaisie ou un soupçon de philosophie.
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