"Amine avait avancé, pas à pas, comme une tortue, une bête digne et travailleuse. Il avait avancé vers un but en apparence modeste - une maison, une femme, des enfants - et il n'avait pas compris que son but, une fois atteint, le transformerait. Tant qu'il était en lutte, menacé par les autres, par la nature, par son propre accablement, il se sentait fort. Mais la vie facile, le succès, l'abondance l'effrayaient. Son corps était corrompu par un poison, gonflé de suffisance bourgeoise. Il se sentait comme un fruit qui aurait macéré dans son jus et aurait perdu sa rondeur et sa fermeté. Les gens pensaient qu'il était riche. Les gens pensaient qu'il avait de la chance et ils lui demandaient de partager un peu. De réparer l'injustice et l'incurie du destin." (p. 322) Tout comme dans la première partie de sa trilogie, "La guerre, la guerre, la guerre", Slimani poursuit ici l'histoire de la famille Belhaj au Maroc. Amine est devenu un riche propriétaire terrien ; sa femme Mathilde fréquente désormais des femmes de son milieu. Leur fille Aïcha part faire des études de médecine en France, apportant ainsi un mode de vie européen dans la famille. Selim, son frère, est contraint par Amine d’aider à gérer la terre, mais il entre en résistance et part vivre avec des hippies à Essaouira. Tous les personnages font des choix qui déterminent leur vie. Les choix politiques semblent fragiles et soumis à des changements rapides, comme l'expérimente Mehdi, un intellectuel qui travaille pour l'État et tombe ensuite en disgrâce. Dans ce roman également, Slimani dresse un portrait précis du Maroc de la fin des années 1960 et du début des années 1970 : comment la politique est dominée par Hassan II, comment la révolution intellectuelle de 1968 est réprimée violemment ; les inégalités sociales, la position précaire des femmes dans la famille et dans la société. On pourrait dire que cela devient parfois un peu trop "documentaire", par exemple lorsque Selim se trouve par hasard dans le village hippie lors de l'apparition de Jimi Hendrix, ou la présence fortuite de Mehdi lors de l'attentat contre Hassan II. Mais dans l’ensemble, cela fonctionne : le récit reste captivant et crédible. Les personnages prennent véritablement vie. Magnifique, la scène du mariage d’Aïcha : Amine se sent anxieux (et coupable) lorsqu’il aperçoit les paysans cachés derrière un buisson, regardant de loin la fête nuptiale. "Regardez-nous danser", pense-t-il alors...
Un roman typique de Foenkinos : légèrement ironique et pourtant un peu tragique, il raconte l’histoire de (l’imaginaire) Martin Hill, qui, lors du casting pour le rôle de Harry Potter, a fini deuxième favori. Cependant, il a perdu la bataille et c’est Daniel Radcliffe qui a décroché le rôle. Qu'est-ce que ça fait à un homme de rester « deuxième » ? Comment cela influence-t-il sa vie, ses affects ? Chez Martin Hill, cela dérape : il développe une phobie extrême de Harry Potter, au point que cela perturbe tout son monde émotionnel. Comme un possédé, avec l’aide de sa famille et de ses amis, il cherche un moyen de se débarrasser de son obsession. La solution arrive de manière plutôt logique, mais inattendue. Bien que l’histoire soit un peu faible – ce qui est souvent le cas dans les derniers livres de Foenkinos, dont je trouve toujours *La délicatesse* et *Les souvenirs* inégalés – le roman est néanmoins écrit avec énergie et mordant. Car c’est ce que l’auteur sait faire : ren...
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