Un roman remarquable, qui mérite assurément un prix littéraire ! Et à juste titre, car il s'agit d'un roman sur la littérature... Une quête épique à la recherche d'un « nègre de Rimbaud » : l'écrivain Elimane et son œuvre essentielle *Le Labyrinthe de l'inhumain* (le mot « nègre » est d'ailleurs utilisé délibérément par Sarr, comme il l'explique dans une interview dans *La grande librairie*). Ne cherchez pas sur Google : ni un Elimane, ni un ouvrage intitulé *Le Labyrinthe de l'inhumain*, ni aucun des autres noms d’auteurs africains mentionnés n'existent réellement. Tout est donc fictif ici, ce qui est très particulier : une « pseudo non-fiction » sur la fiction. Vous pouvez lire ce roman comme une quête passionnante à la recherche de ce livre perdu, comme un roman d’aventures, disons : les récits sont assez palpitants et restent captivants – seul le passage se déroulant au Nigeria m'a semblé un peu long. Ce fameux livre, *Le Labyrinthe...*, semble presque un ouvrage magique, ensorcelé. On n'apprend pas grand-chose sur son contenu, en réalité, à part l’histoire principale. C’est d’ailleurs un mystère : que contient-il donc ? (et nous ne le saurons jamais, puisqu’il est inexistant !) Finalement, le roman porte donc sur la littérature « en soi ». Que fait la littérature à l'homme ? La littérature peut-elle changer le destin d’un homme, le faire tomber amoureux, le... tuer ? La littérature peut-elle changer la politique, la société ? Dans le roman de Sarr, on voyage de Paris à l’Allemagne nazie, en Amérique du Sud et, finalement, « chez soi, au Nigeria », à la recherche de la réponse à la question : « Qui était Elimane et quel était donc son secret ? » Mais malgré toute la mystique autour de sa personnalité, n'est-il pas simplement un homme de chair et de sang, un mortel ordinaire qui avait aussi des désirs, des sentiments, de la nostalgie et qui cherchait avant tout sa propre identité ?... Ou, en d'autres termes : ce que l’auteur produit en littérature a-t-il réellement quelque chose à voir avec sa propre vie, avec ses désirs ? Combien savons-nous d’un auteur en le lisant ? À quel point cela est-il « falsifié » ? Une question intéressante qui pourrait alimenter des heures de discussion. J'ai été séduit par ce livre. Il est écrit de manière fluide et intelligente !
Avec ce roman, Lemaitre ouvre une nouvelle trilogie qu’il appelle "Les années glorieuses". Alors que sa trilogie précédente, "Les enfants du désastre", se déroulait dans l’entre-deux-guerres, cette nouvelle série se situe dans la période d’après-guerre. Une fois de plus, nous avons droit à une chronique familiale dense. Ce qui est surprenant, c’est que Lemaitre relie magistralement et subtilement cette nouvelle série à sa trilogie précédente. Au centre du récit se trouve la guerre d’Indochine et, surtout, le rôle de la politique française dans ce conflit. Guerre, soif de sang, et oui, aussi des meurtres, mais également de l’amour : voilà les ingrédients de cette histoire, une fois encore écrite avec beauté et intensité. Cela reste bien sûr très narratif dans l’ensemble. Ce qui manque peut-être, c’est une touche de poésie, de fantaisie ou un soupçon de philosophie.
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