Un roman poignant sur une famille juive persécutée. On pourrait penser : il y a déjà tant de livres, de films... sur ce sujet, est-ce que cela peut encore captiver ? Et oui, cela continue de le faire. Nous connaissons les histoires et les images des camps de concentration. Et pourtant : à chaque confrontation, on ressent ce froid glacial. Peut-être est-ce crucial - aujourd'hui plus que jamais ? - de continuer à raconter ces histoires... "La carte postale" se divise en fait en deux grandes parties. Dans la première, Anne Berest raconte, d’un ton presque sobre et factuel, la vie de sa famille juive, la famille Rabinovitch. Elle décrit avec une précision bouleversante comment, petit à petit, selon un mécanisme lent mais terriblement efficace, les Juifs perdent leur "humanité", deviennent des "non-êtres", jusqu’à leur incinération dans un camp de concentration. Tout peut basculer si rapidement. Un instant, vous profitez du jardin avec votre famille à la campagne, et l’instant suivant, vous êtes traité comme un criminel, enfermé en prison. Le calvaire de ces personnes est indescriptible, nous le savons bien. Et pourtant, la complicité de la police et de l’administration en France vous laisse stupéfait... La deuxième partie du roman se déroule à notre époque. Comment vit-on avec ce "héritage juif" ? Comment réagir quand votre enfant est encore traité de "sale juif" dans la cour de récréation ? Comment cela s’infiltre-t-il dans vos émotions, votre quotidien ? C’est une question profonde, racontée avec une grande sensibilité. J’ai aussi soudain réalisé que j’avais lu un autre livre d’Anne Berest (et de sa sœur Claire), "Gabriële"– un personnage (Gabriële Buffet, l’épouse de Francis Picabia) qui apparaît également dans ce roman. Un magnifique épopée !
Avec ce roman, Lemaitre ouvre une nouvelle trilogie qu’il appelle "Les années glorieuses". Alors que sa trilogie précédente, "Les enfants du désastre", se déroulait dans l’entre-deux-guerres, cette nouvelle série se situe dans la période d’après-guerre. Une fois de plus, nous avons droit à une chronique familiale dense. Ce qui est surprenant, c’est que Lemaitre relie magistralement et subtilement cette nouvelle série à sa trilogie précédente. Au centre du récit se trouve la guerre d’Indochine et, surtout, le rôle de la politique française dans ce conflit. Guerre, soif de sang, et oui, aussi des meurtres, mais également de l’amour : voilà les ingrédients de cette histoire, une fois encore écrite avec beauté et intensité. Cela reste bien sûr très narratif dans l’ensemble. Ce qui manque peut-être, c’est une touche de poésie, de fantaisie ou un soupçon de philosophie.
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