Chalandon, en tant que journaliste, est témoin du fameux procès de Klaus Barbie à Lyon en 1987 : l'un des premiers véritables procès contre « l'inhumanité ». Il visite également le petit village d'Izieu, dans l'Ain, où des enfants d'un orphelinat ont été déportés à Auschwitz, également sur ordre de Klaus Barbie. Mais il pense aussi à son père et à son passé sombre : une sorte de performance d’opérette, disons, durant la France occupée pendant la Seconde Guerre mondiale. Tantôt il se battait sous l'uniforme allemand, tantôt en tant que légionnaire, en tant que « résistant », voire même comme militaire américain... Chalandon découvre que son père lui a imposé un passé mensonger, avec des récits de héros qui n’ont jamais eu lieu. Grâce à un historien ami, il part à la recherche de ce qui s’est réellement passé... Est-il vraiment un « Enfant de salaud », comme son grand-père l’a laissé entendre une fois, par accident ? Quel rôle son père a-t-il joué pendant cette guerre ? Était-il pour la France ou était-il un SS déguisé ? Il décide de confronter son père à la réalité, dans l’espoir de se réconcilier avec lui. Mais les choses prennent une tournure différente...Une question cruciale se pose dans ce roman : est-il vraiment nécessaire de confronter quelqu’un, après tant d’années, à ce qui s’est réellement passé, à cette expérience peut-être traumatisante qu’est la guerre – peu importe de quel côté on se trouve ? Dans le cas de Klaus Barbie, oui, assurément. Mais comment réagit l’homme face à cela ? A-t-il un sentiment de culpabilité ? Et pour le père de Chalandon ? N'était-il pas mieux de laisser l'homme garder sa naïve croyance en ses exploits héroïques ? Et de ne pas toucher à ce passé ?... Cela soulève assurément un débat moral. À la fin du livre, on apprend que le père de l’auteur a été hospitalisé en psychiatrie. Que fait une guerre aux malheureux comme cet homme, lorsqu’il était un jeune naïf de 20 ans ? Est-il vraiment coupable ? Un livre intéressant, très bien écrit, avec également de nombreux dialogues agréables à lire.
Avec ce roman, Lemaitre ouvre une nouvelle trilogie qu’il appelle "Les années glorieuses". Alors que sa trilogie précédente, "Les enfants du désastre", se déroulait dans l’entre-deux-guerres, cette nouvelle série se situe dans la période d’après-guerre. Une fois de plus, nous avons droit à une chronique familiale dense. Ce qui est surprenant, c’est que Lemaitre relie magistralement et subtilement cette nouvelle série à sa trilogie précédente. Au centre du récit se trouve la guerre d’Indochine et, surtout, le rôle de la politique française dans ce conflit. Guerre, soif de sang, et oui, aussi des meurtres, mais également de l’amour : voilà les ingrédients de cette histoire, une fois encore écrite avec beauté et intensité. Cela reste bien sûr très narratif dans l’ensemble. Ce qui manque peut-être, c’est une touche de poésie, de fantaisie ou un soupçon de philosophie.
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