Pour apprécier ce livre, il faut d'abord aimer la montagne, et ensuite être sensible à l'univers de Sylvain Tesson. Personnellement, je suis fan (et j'aime aussi randonner en montagne). *Blanc* retrace, sous forme de journal, une immense traversée des Alpes, depuis le massif du Mercantour dans le sud de la France jusqu'à Trieste — réalisée toutefois en trois expéditions étalées sur plusieurs années. Et tout cela... dans la neige. C'est un plaisir de suivre l'itinéraire sur une carte ; Google Maps s'avère même utile ici, car les toponymes sont décrits avec une grande précision. Mais ce livre va bien au-delà. Comme toujours avec Tesson, il y a une dimension philosophique, voire spirituelle — dans le sens large du terme, car Tesson n'a rien d'un adepte des institutions religieuses. Cette réflexion peut aller très loin, parfois même un peu trop, frôlant le mythe ou l'abstraction. Mais certaines passages sont absolument sublimes. Je reste admiratif de sa vision de l'humain et de la nature. Sa culture littéraire est impressionnante, et elle imprègne chaque page de ce livre. Quelques passages magnifiques : *« Le désert du bédouin, la mer du marin, la neige du skieur : le sable, le bleu, le Blanc. Dans leur élément, ces voyageurs ne suivent pas des pistes mais naviguent de postes en positions, tirant des lignes dans l'abstraction. Le marin rejoint des ports, l’alpiniste ses refuges, le caravanier ses puits. Entre les havres, l'inconnu. Dans tous les cas, un fil vers la vie, tendu en plein vide. »* (p. 207) *« Dans le vent, quand le jour devenait blanc, on allait, réduit au seul soin d'avancer. Le Blanc envahissait l'être, organisait l'oubli. Les skis battaient. En soi, fin du logos. Dehors, absence des formes. C'était le tao de l'effort. Parfois, il nous semblait nous évanouir vivants. Où allait-on ? »* (p. 234) Et le livre regorge de ces réflexions poétiques et profondes. Il aborde également la pandémie de Covid-19 (Tesson marchait au moment où le virus causait tant de morts en Italie). Il exprime une opinion très tranchée sur la gestion des confinements et des restrictions. Un livre riche, à savourer et à conserver précieusement, comme tous les ouvrages de Tesson.
Avec ce roman, Lemaitre ouvre une nouvelle trilogie qu’il appelle "Les années glorieuses". Alors que sa trilogie précédente, "Les enfants du désastre", se déroulait dans l’entre-deux-guerres, cette nouvelle série se situe dans la période d’après-guerre. Une fois de plus, nous avons droit à une chronique familiale dense. Ce qui est surprenant, c’est que Lemaitre relie magistralement et subtilement cette nouvelle série à sa trilogie précédente. Au centre du récit se trouve la guerre d’Indochine et, surtout, le rôle de la politique française dans ce conflit. Guerre, soif de sang, et oui, aussi des meurtres, mais également de l’amour : voilà les ingrédients de cette histoire, une fois encore écrite avec beauté et intensité. Cela reste bien sûr très narratif dans l’ensemble. Ce qui manque peut-être, c’est une touche de poésie, de fantaisie ou un soupçon de philosophie.
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